© Jennie Scott

L'écrivaine anglaise Bernardine Evaristo, lauréate en 2019, ex-aequo avec Margaret Atwood, du prestigieux Man Booker Prize, pour le livre Fille, femme, autre (Globe), depuis quelques semaines également dans les librairies italiennes et françaises, signe un livre qui dessine 12 portraits de femmes pas du tout anodins. En effet, normalement transgressif. Un livre qui conquiert pour la complexité et la diversité des points de vue.

Imaginez, des baisers et des embrassades, et des mots doux, très doux, comme ceux que nous avons l'habitude de voir à la télévision. Imaginez tous ces mots, utilisés et abusés, et oubliez-les. Oui, car dans le livre de Bernardine Evaristo, dans lequel l'écrivaine anglaise raconte la vie de douze femmes, liées par des liens de parenté, d'amitié ou des contacts à l'école, vous ne trouverez rien de tout cela dans les plus de quatre cents pages écrites. Les relations mère-fille, en effet, se construisent, mot pour mot, avec une précision chirurgicale, dénudées, comme avec un scalpel: il s'agit de raconter une réalité complexe sans pitié et sans hypocrisie. Bref, sans politiquement correct. Les relations familiales, souvent très complexes et hétérogènes, marquées par les malentendus et la violence, mais aussi par l'estime et l'amour sincère, sont racontées telles quelles, avec une lucidité brute.
Certaines histoires, plus que d'autres, resteront longtemps avec vous. Je pense, en particulier, à l’histoire d’Amma, l'âme féminine absolue du livre, la mère de toutes les mères du livre. Et, en fait, ce n'est pas par hasard que son histoire ouvre le livre. Amma est une directrice de théâtre, dans son travail elle expérimente un nouveau langage et apporte sur scène son combat politique en tant que féministe, elle parle des femmes et des femmes noires. Amma est lesbienne et dans ses jeunes années, elle collectionne ses conquêtes amoureuses. Et elle conçoit sa fille Yazz avec un ami gay, Roland, un intellectuel bien connu à Londres, grâce à ses apparitions constantes à la télévision.
Une grande partie des douze histoires décrites par Bernardine Evaristo sont des histoires de femmes émigrantes qui sont arrivées à Londres dans la première moitié du 20e siècle, alors qu'il y avait encore peu de personnes noires sur l'île. Comme Winsome qui, avec son mari, s'installe plus au sud de la capitale pour qu'il puisse travailler comme pêcheur. Ils arrivent dans l'archipel des Scilly et leur présence fait immédiatement sensation: personne dans ces lieux, à l'époque, n'avait encore vu de gens à la peau noire, on se demande «ce que font deux singes dans cet endroit». Ils seront chassés de plusieurs villages. Long sera le combat personnel de Winsome pour être acceptée en tant que femme et en tant que personne.

Des rêves et des désirs de vengeance accompagnent toutes ces mères et filles. Bummi, d'origine nigériane, jeune veuve, prendra de toutes ses forces sa place dans la société londonienne et assurera à sa fille Carole une grande carrière. Et Carole qui, jeune fille, subit un viol, se tait et reconstruit une autre vie, dont sa mère peut être fière. Parce que la douleur, dans la vie réelle, n'est presque jamais exposée, tout comme l'amour.
Les univers explorés par Bernardine Evaristo dans le livre sont multiples, tout comme les points de vue, qui changent de personnage en personnage, ce qui donne de l'originalité et de la force au texte. Dans leur diversité, les voix des personnages sont toutes extrêmement intéressantes, et ce parce que l'écrivain a pris la liberté absolue de les raconter sans voile. Elles sont toutes des âmes nues devant leur Io, devant leur histoire familiale, dans une société où la lutte des classes a une raison d'être et où les changements culturels sont très lents. Les femmes de Fille, femme, autre, sont sales et vraies et, adorables, quand elles transgressent.


Conseils de lecture

  • C'est par cette confession percutante que Dana Lynn Yarboro débute le récit d'une enfance pas comme les autres au sein de la communauté afro-américaine d'Atlanta, dans les années 1980.